Pensées d'arrivée
Publié le 23 juillet 2015, 15h47Le ruban routier s'allonge sans cesse devant moi tout en me défiant de ces innombrables embranchements et intersections. La concentration est nécessaire, surtout ne pas rater un panneau et gare à la déviation inopinée surgissant soudain à la croisé d'un chemin... Alors en ce cas un coup d'œil rapide sur le GPS devient plus que nécessaire. Celui-ci alors confirme mon choix ou me conseille de sa petite voix sans âme « faite demi- tour dés que possible »... pas facile lorsque la route ne le permet pas vraiment et qu'un autre véhicule vous suit bien trop près car lui aussi est sans doute impatient d'en finir avec cette route qui semble sans fin. Seule la traversée des agglomérations permet de se détendre un peu mais là, gare à l’œil avisé et bien caché du radar qui va pointer de son flash automatique le moindre kilomètre de vitesse en trop.
J'ai pourtant fait ce chemin plusieurs fois mais que le temps me semble long..., encore 500, puis 300 et enfin un nombre à deux chiffres 64 kilomètres Lourdes... Ce simple petit panneau routier est comme une bénédiction du ciel m’annonçant que ce long périple routier va bientôt prendre fin.
Je pense alors : Lourdes tu t'avances vers moi ? Non c'est moi qui roule vers toi avec dans le cœur déjà un petit pincement de revoir cette colline sur laquelle s'étale gracieusement mais quand même fièrement la Cité Saint-Pierre. Et puis c'est aussi la joie de revoir ta chère petite grotte, Bernadette, car tout comme toi je viens pour SERVIR les pauvres, les déshérités, les oubliés bien souvent de tout et de tous, les transparents d'une société égoïste et cupide oubliant sur le bord du chemin ses enfants...
Servir et accueillir chaleureusement ceux pour qui un pèlerinage à Lourdes ne pourrait devenir réalité sans la Cité Saint-Pierre.
Aucune auréole ne brille au-dessus de ma tête, je viens seulement comme bénévole avec mes qualités mais aussi mes faiblesses, mes angoisses et mes doutes.
Vais-je réussir à m'intégrer dans l'équipe où l'on va me mettre ?
Vais-je être à la hauteur du coéquipier qu'ils imaginent recevoir ?
Vais-je réussir moi-même à comprendre les membres de cette équipe ?
Toutes ces questions trottent déjà dans ma tête durant ce long périple d'arrivée et Dieu sait à quel point j'ai le temps d'y réfléchir quand les simples minutes me semblent être devenues des heures. Mais il y a aussi ceux que je laisse derrière moi pour venir à la Cité, ce qui donne à ma joie du départ un certain goût amer d'abandon... Mais en mon âme, je sais qu'Il est là et qu'Il veille, et veillera sur ceux que j'aime en mon absence, tout en m'accompagnant aussi sur cette route qui n'en finit pas de se dérouler devant moi.
Après un temps qui m'aura semblé si long, j'aborde enfin la dernière courbe et m’apparaît soudain l'accueil de la Cité Saint-Pierre, un peu comme une oasis dans le désert pour le voyageur fatigué que je suis. La barrière se lève enfin sur la petite route en lacet qui monte vers ce que je ressens comme un havre de Paix. Je me gare sur le parking et mes pieds se posent avec plaisir sur un sol qui me semble ami tant j'ai souhaité arriver en ce lieu que je connais tant et si peu à la fois.
Là mes yeux se portent vers la petite Chapelle perchée à flanc de colline que j'ai appris à aimer malgré sa petitesse à nous recevoir pour la messe. Car cette petite Chapelle porte en elle tant de symbolisme et de Paix qu'elle représente à mes yeux, bien souvent fatigués par le doute et l'angoisse, comme un petit espace de paradis porte ouverte en permanence sur l'éternité.
Et je monte directement pour aller m'imprégner aussitôt de Sa présence... Car la petite porte de cette Chapelle, jamais fermée, enfin poussée, s'ouvre sur l'immensité de Dieu et la charité partagée si notre cœur accepte sans ambiguïté d'aimer les autres, tous les autres, en toute humilité... et en toute vérité.
Ce lieu, j'en suis persuadé, est béni naturellement par la Vierge et Bernadette doit certainement y venir aussi chaque jour en compagnie de Mgr Rodhain pour nous assister dans nos tâches quotidiennes et nous aider de par leur présence éclairée à surmonter les épreuves.
Ensuite je m'agenouille auprès de la tombe de Jean Rodhain et je pose ma main gauche sur le marbre froid pour communiquer avec son esprit par l'intermédiaire de la prière. Et alors, l'impression confuse que tous les atomes de tout ce qui m'entoure prennent soudain vie devant moi, autour de moi, et en moi. Expérience réellement saisissable par la prière ainsi vécue.
Le Nouveau Testament, reprenant les propos du Christ, nous dit d'ailleurs : "Tu es poussière et tu retourneras poussière". C'est, me semble-t-il, la preuve quasi irréfutable de la présence de Dieu en nous et autour de nous, et même la science ne peut refuser cette réalité.
Ensuite je me relève et je vais poser ma main sur la pierre de la grotte un peu plus bas demandant à Bernadette d'accompagner mon séjour de sa présence maintenant éclairée, transcendée et béatifiée. Tout à l'heure j'aurai le cordon bleu autour du cou. La phrase symbolique qui y est inscrite, "J'ai besoin de toi" me semble primordiale, car elle se décline dans les deux sens comme un palindrome.
A chaque fois que je viens à la Cité j'effectue ce premier parcours avant de m'installer et de me mettre au service des pèlerins et ceci n'est pas un rituel au sens strict du terme mais simplement le signe de ma Foi qui guide chacun de mes pas sur le chemin de la vie.
C'est en tout cas ce que j'essaie de faire. C'est pourquoi je prie le Seigneur et la Vierge chaque jour de m'aider à réussir le difficile parcours qui mène à la rencontre vers l'autre, les autres, permettant le partage véritable.